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Anatèm, de Neal Stephenson

Dernière mise à jour : 4 janv. 2022


Je commence tout de suite par dire à quel point j'ai apprécié ce livre : beaucoup. Tellement que je le considère comme l'un des mes livres préférés.





Ma lecture d'Anatèm a duré des mois... regardez l'épaisseur de ce machin: neuf cent pages et plus (937 - et l'édition française est en deux tomes). D'accord, j'avoue que je suis un lecteur plutôt lent. Mais en fait, c'est ce que je recherche: un livre si bon et si épais que je peux m'appuyer sur l'assurance que sa magie va opérer longtemps. Quand j'ai la chance de tomber sur ça, je ne veux pas que ça finisse. Et quand ça se termine, inévitablement, je sais que je vais pouvoir chérir l'expérience longtemps. Et aussi j'espère, la partager.


En guise d'illustration du combien j'ai apprécié Anatèm, c'est le premier livre vers lequel je me tourne alors que je m'engage sur la voie de ce blogue naissant. Peut-être que ne lui rendrai pas justice, mais je vais essayer. Et plus tard, peut-être que je tenterai l'expérience à nouveau. Parce que que je vais grandir en temps qu'auteur, et aussi parce que, eh bien, pourquoi pas.


Genre: les libraires rangent Anatèm au rayon de la science-fiction, avec raison. De son côté, l'auteur le décrit plutôt comme un exemple de fiction spéculative.


Voici un mélange d'extraits de sommaires fournis par Wikipedia and Goodreads :

(Note de traduction : j'ai laissé ici la plupart des noms propres tels qu'ils sont dans la version originale anglaise. La traduction française du roman les présente peut-être d'une autre façon.)

Fraa Erasmas est un jeune avout vivant au Concent de Saunt Edhar, un sanctuaire pour mathématiciens, scientifiques, et philosophes, protégé des influences corruptrices du monde extérieur "saeculaire" par d'anciennes pierres, d'honorées traditions, et de complexes rituels. Son maître, Fraa Orolo, découvre qu'un vaisseau spatial étranger orbite Arbre, un fait que le gouvernement mondial (Pouvoir saeculaire) tente de cacher. Erasmas prend conscience de la découverte d'Orolo après qu'Orolo ait été banni (dans une rite appelé anatèm) du concent pour avoir utilisé une caméra vidéo (une technologie proscrite) pour observer le vaisseau. La présence du vaisseau étranger devient vite un secret de Polichinelle dans la communauté des avouts de Saunt Edhar. Le vaisseau finit par déclarer sa présence en illuminant d'un rayon laser plusieurs "maths millenariens" (les bastions de ceux qui ont prêté le serment de mille ans d'isolement). L'interprétation des mondes multiples de la mécanique quantique est un thème majeur du roman, basée sur un graphe orienté acyclique. Elle ouvre la voie aux "chemins-mondes" (worldtracks) et "récits" (narratives) explorés par Fraa Orolo et manipulés par Fraa Jad. Autre thème majeur, le débat philosophique récurrent qui oppose les partisans du platonisme mathématique (appelés "Halikaarnians" dans le roman, et associés avec les "Incanters") à ceux du nominalisme (appelés "Procians" dans le roman, et qui sont aussi les "Rhetors").

Fiou.


Anatèm a été écrit pour les nerds courageux, je dirais, et j'aime à prétendre en faire partie. Ce livre peut se révéler de lecture ardue au début, mais vous récoltez les fruits de vos efforts au fur et à mesure que vous avancez dans la lecture et que vous vous familiarisez avec le vocabulaire et les données historiques. Particulièrement, si vous n'avez pas peur de consulter à répétition un index bien gras et des chronologies historiques bien garnies, votre récompense n'en est que plus grande. Et je vous assure, l'environnement, les personnages et l'intrigue sont captivants au point de vous faire oublier très vite ce type inhabituel de lecture.


Bien sûr, le vocabulaire inventé m'a un peu mis au défi, surtout au début. Mais j'ai foncé avec vigueur et j'ai franchi l'obstacle, car je voyais bien que le paysage de l'autre côté serait exquis. J'ai donc continué à me référer au lexique et aux calendriers historiques en me demandant avec appétit quand j'aurais le plaisir de rencontrer telle ou telle partie dans le récit. Après quelques pages, ces actes de référence se sont intégrés au plaisir de la lecture, et il en a été de même pour les essais en annexe du livre: très nerd, pointus et pertinents, je les ai adorés. Tout ceci fait partie d'une expérience de lecture aux plaisirs multiples.


Anatèm m'a accompagné pendant des mois, alimentant pour moi une vie parallèle. J'avais ma vie dans le récit, et l'autre. Toutes deux intéressantes bien sûr, mais celle du livre m'attirait à elle en continu, tout en pétrissant doucement mon cerveau.


J'ai lu Anatèm il y a environ 10 ans, peu après sa sortie en 2008. À l'époque, j'avais à peine commencé ma quête de trouver une manière de penser à enfin commencer mon aventure d'écriture... mais non. Reculons d'un pas, ce n'est pas tout à fait vrai. Déjà depuis 1998, je voulais écrire, et je trouvais des moyens d'insérer de petits textes ici et là dans ma vie. Tout ça pour dire que déjà à l'époque de ma lecture d'Anatèm, j'avais à coeur d'ouvrir l'oeil pour découvrir comment la fiction était construite.


Avec Anatèm, j'ai oublié tout ça.


J'essaie de rester conscient, dans les limites de mon petit cerveau humain, de l'infinité des possibilités dont l'univers de la fiction regorge. La lecture d'Anatèm m'a donné un aperçu de l'infinité elle-même du nombre de ces infinités. C'était comme si mon cerveau se faisait multiplier au carré, et au carré encore, jusqu'à la n-ième dimension, comme si on le pliait et le dépliait, comme une enveloppe. Je me suis gratté la tête en me demandant si le jello à l'intérieur de mon crâne allait se déballer comme une barre de chocolat, ou bien se replier sur lui-même et disparaître dans une sorte de trou noir mental.


Bon, trop de gros fun, là. Soyons sérieux.


En plus de me renseigner beaucoup sur les trajectoires orbitales, la société, la physique et la philosophie, Anatèm m'a ouvert les yeux sur jusqu'où un auteur peut aller avec ses chronologies historiques étendues et ses épais lexiques sans pour autant aliéner son lectorat, tout au contraire. Stephenson ne s'est pas gêné pour enrichir son univers fictionnel d'une foule de détails, à tous les niveaux. Tellement qu'après un certain temps, j'avais l'impression de connaître son monde de fiction mieux que le mien dans la réalité, comme si j'avais passé toute ma vie à y évoluer.


Un décennie après avoir lu Anatèm, je demeure impressionné et imprégné par le souffle du récit, et ravi par son caractère épique, et toujours enchanté d'avoir suivi Fraa Orolo dans son aventureuse traversée des étendues polaires glacées à bord d'un immense convoi motorisé de véhicules-traîneaux, puis dans son saut vers l'espace pour affronter de si réalistes principes de physique des orbites--la physique des orbites, pour une fois traitée de la façon qu'elle mérite, est un événement toujours rare même de nos jours, en science-fiction moderne. S'ensuit une visite du vaisseau arrivant... qui se révèle être tout autre chose. Après dix ans, je suis demeuré toujours aussi surpris du retournement philosophique qui couronne le roman. Profondément satisfaisant.


Cette lecture a mis mes certitudes au défi, à propos de ce que je croyais possible en fiction écrite. Je savais bien que l'écriture n'a pas de limites, mais avec Anatèm, j'ai eu l'occasion de d'en voir la preuve de mes propres yeux. Anatèm contient de nombreuses choses qui me sont chères. Le livre regorge de discussions passionnées et passionnantes impliquant mathématiques, physique et philosophie, discussions qui m'ont longtemps habité. Je n'ai jamais senti que ces réflexions ralentissaient la lecture, ni ne divergeaient du récit.


Je veux dire... voyons voir. Combiner l'interprétation des mondes multiples de la mécanique quantique avec le platonisme mathématique, d'une manière si ébouriffante... qui pourrait bien avoir une idée pareille? Et qui pourrait bien y arriver?


Il semblerait que Neal Stephenson le peut et l'a fait, et de manière magistrale. Si je portais un chapeau, je le lèverais.


Du côté négatif, à chaque fois que je tente de me voir moi-même comme un auteur, je sans que je n'ai pas les moyens de penser à ce livre, ni à n'importe quel autre livre de Neal Stephenson. Parce que moi, je ne peux pas atteindre de tels sommets, parce que pour moi, de toute évidence, une telle maîtrise est hors de portée. Parce que je ne serai jamais à la hauteur. Je ne peux même pas rêver d'atteindre ce niveau de perfection. Je suis un loser. Je devrais arrêter tout de suite. Oublier tout ça. S'il vous plaît, partez. Ne perdez pas votre temps avec moi, don’t read my shit. Etc.


Stop! On arrête ça tout de suite! Tu es jeune, tu viens à peine de commencer, tu es un honnête débutant. Un petit pas, une bouchée à la fois... juste des petites bouchées, faciles à avaler. Ne regarde pas trop loin en avant, concentre-toi sur le processus... Ne compare pas ton travail de débutant aux chefs-d'oeuvre de tes idoles. Tes idoles, elles ont bien dû commencer quelque part elles aussi. Forcément!


C'était un exemple de perfectionnisme pathologique. Il y a des remèdes pour ça, ils sont nombreux. Et oui, je considère que le perfectionnisme est une maladie. (Attendez-vous à plus sur ce sujet dans le futur.) C'est la résistance à son plus pernicieux. (Plus sur ça à l'avenir également.)


(Et oui, je sais, je vais avoir cinquante-cinq ans cette année... efforçons-nous de voir ça comme toujours jeune, ok?)


Disons juste que je vais devoir aborder les nombreux livres qui m'ont tant aidé depuis le début de mon aventure, et qui continuent à le faire à ce jour sur une base régulière. Livres tels que Libérez votre créativité, de Julia Cameron, ou La guerre de l'art, de Steven Pressfield. Ou encore, Préparez votre roman, de K.M. Weiland. Et sans traduction française, You’ve Got a Book in You, d'Elizabeth Sims, et The Story Grid, de Shawn Coyne. Entre autres.



Avant de partir, attention! Lire Anatèm vous portera à pousser vos recherches :


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Neal Stephenson est l'auteur de Fall or Dodge in Hell, Seveneves, Reamde, Anatèm, ainsi que de l'épopée en trois volumes The Baroque Cycle (Quicksilver, The Confusion, et The System of the World). Il a également écrit Cryptonomicon, The Diamond Age, Snow Crash, et Zodiac.




 

Avant de partir...


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